mercredi, mars 26

Ode à Syphax


j'y pensais depuis le début, une pensée pour Sfax, juste un peu différente et un peu décalée, du stéréotype de la ville haïe mais aussi de m'enliser dans le sentimentalisme de la ville chérie.
parce que Sfax a acquis a mes yeux cette distance critique qui me permettrait de l'écrire, et je sais que je ne pourrais verser avec les mots un peu d'amour pour cette ville qu'on fuit comme la peste mais qu'on m'a arraché un jour...
"la merde" des Français, cette citadelle qui la nuit, dans le silence, réparaient ses remparts bombardés, ou de cette autre Sfax, barricadée derrière ces murs qui à l'heure du déjeuner sentait le poisson et la marka, je parlerais peut-être de cette Sfax d'aujourd'hui, aux cubes en béton dans la chaleur écrasante des embouteillages, entre les vents du sable et l'odeur iodée de la mer.. Sfax d'hier.
comment décrire et résumer une ville, un parcours, un chemin, l'émotion est là, à chaque détour.
Sfax est polluée, Sfax et sectaire..Sfax est repliée comme une vieille dame qui ne veut plus quitter son lit, ni changer de vie... Sfax est hypocrite oui, derrière son visage de conservatisme dur, se cachent les méandres de la vie underground, de la jeunesse qui fuit, des parents qui se muent a 100 kilomètres plus loin...
Oui, Sfax meurt, se vide de ses gens qui ont fait d'elle une citadelle haïe, ses cinémas ferment, et ses fellas ont le goût du désespoir. La ville arabe est maintenant un souk géant, et les portes d'autrefois ouvrent sur le néant... de l'humble Sfaxien, il ne reste plus rien, on les disait avares, ils sont maintenant voyants, on les disait discrets, ils sont maintenant criards...de la douce monotonie des journées d'hiver, il ne reste que le terrible couvre feu implicite et sans nom...et dans les rues désertes du minuit qui sonne, une voiture fuyante, des phares qui s'allument, une radio qui résonne et puis plus rien...quelques pas fuyants, qui ont peur de la nuit parce que le noir sfaxien est intimidant.
mais Sfax est une famille nombreuse, où tout le monde se connaît, tout le monde se surveille, mais dieu que j'aimais ça ! ces visages familiers à chaque tournant de rue, ces sourires gratuits, ce sang partagé, et cette ville grouillante de cousins éloignés, reconnaître, jusqu'aux portes, les voitures, les passants, reconnaître un parfum, un arbre, les chansons.
j'essaie de fuir l'émotion mais elle me rattrape toujours, souvenirs d'amour, des rues et des gens...je n'y peux rien si on juge, si on condamne le communautaire, oui Sfax est orgueilleuse, mais je l'aimerais autant !
alors que d'autres ont fui la fumée des usines, le calme plat des rues et le Regard Inquisiteur, c'est par une pleine lune que j'ai quitté cette ville, je ne garde qu'un rectangle blanc sous le soleil d'avril. et retrouver sfax ne sera plus jamais un retour, mais juste une arrivée...sur cette longue route bordée de saules, et d'oliviers, le coeur s'emballe déjà ! et j'attends la première rafale de vent chargée de sable, j'attends le soleil brûlant dont seule Sfax a le secret.
je n'ai pas réussi a garder la distance, je n'ai pas réussi a décortiquer comme un scalpel la ville de mon enfance, quelque part encore, le sang reste là, le nom...la terre millénaire.

vendredi, mars 7

la "machine" que je suis


comment marchent nos 100 milliards de neurones, cette électricité survoltée qui se transmet de synapses en synapses ? des machines perfectionnées que l'homme n'a pas crée, 100 watts d'énergie émise, qu'on devrait exploiter alors que la baril dépasse les 100 dollars, de l'électricité génératrice de vie, d'idées ...alors que 5 litres de sang sont pompés par minute, soit la totalité du sang dans le corps, des milliers de cellules, se créent, des litres d'air pénètrent dans les poumons, des milliers de liaisons nerveuses s'établissent, des dizaines de muscles sont en contraction.
alors que nos cordes vocales vibrent que nos lèvres articulent les sons, nos papilles goûtent les mets, nos oreilles captent les bruits, nos mains agitent l'air que nous respirons...
des milliards de cellules qui grouillent de vie...qui se nourrissent, respirent, se divisent et périssent alors que nous courons derrière le bus, que nous somnolons devant la télé ou que nous grattons nos yeux fatigués...des milliers de bactéries, de virus nous attaquent chaque jour, dans un combat sans merci que le corps mène généralement dans le silence, nos lymphocytes se meurent en martyr, le corps entier en état d'alerte se prépare et s'arme, et juste devant la peau, à peine nous éternuons...il est un pouls en nous qui tient ce monde sous son règne, il est un souffle en nous qui orchestre par son chant, il est en nous un mot par quoi tout est dit : vie !
dans cette cohue du corps, cette minutie, ces engrenages qui s'emboîtent, tout est si fragile, tout est suspendu à un muscle, à un fil...à une inspiration de plus ou de moins...alors que le silence de la nuit m'envahit, c'est ce miracle du corps que j'entends à peine, mes battements sous ma peau, mes cils qui se ferment, mon souffle régulier...le son de mes mouvements. j'arrive imaginer dans ces moments entre la nuit et le rêve, les éclairs dans ma tête, mes veines remplies de sang, j'arrive à entrevoir mon coeur palpitant, mes poumons qui se gonflent et se vident en un temps...le fibres de mes muscles qui se raccourcissent ou s'allongent...ce n'est pas dans les moments d'immenses bonheur, ni dans la foule des gens, ni à la vue d'un être qui nous est cher, qu'on ressent en nous la vie, c'est dans la solitude de l'être, le calme froid de la nuit quand les pensées gravitent juste en dessus, quand le sommeil force les parages de la conscience, un immense sentiment de plénitude, de gratitude m'innonde, c'était un autre jour, encore un autre jour, mon miracle continue, le temps est encore passé sans m'abandonner.
100 milliards de neurones qui insufflent le sommeil, qui s'agitent dans mes rêves, qui se parlent et qui créent mes idées...100 milliards de neurones qui se meurent sans héritier, précieux dons divins au deuil de leur infertilité.