mardi, décembre 22

Petite, allume un feu...





L’hiver s’installe sous ma porte, dans les rafales de vent, il est là et quand claquent les portes, et quand les feuilles mortes ont fini depuis longtemps déjà, leurs courses folles jusqu’au sol…

Je ne les vois pas les gens qui se meurent de froid, on m’a parlé d’eux, on m’a dit: "ils sont là", derrière les portes closes des quartiers où on ne va pas, derrière les vitrines luisantes de nos cubes de béton, il y a de ces maisons où les briques percées, trouent la chair et les os…

Je ne les connais pas ces gens qui ne peuvent pas acheter du pain, Tunis est déroutante et trompeuse, même ces mendiants sourient et ce ne sont pas eux qui grelottent…

Tunis est trompeuse parce qu’elle cache ses blessés, son urbanisme débridé tourne le dos à la pauvreté…mais je sais, même si je ne les vois, je sais qu’il y en a des gens dans ma ville, sans visages, sans nom, qu’on côtoie dans les rues, qu’on frôle à peine parfois, des gens qui ont faim, une faim dévorante, de celle qu’on ne connaît pas…

Et parce que leur présence étouffe ma conscience, parce que ne pas les voir est bien plus invasif que de leur donner un visage et leur accorder un timbre, un « moi », je leur écris ce soir, je les montre d’un doigt absent.

Tunis est perfide, elle les terre dans son noir, dans les flancs de ses collines, dans les bas fonds de ses impasses, derrière le beau, les routes, derrière le calme et le bruyant…Mais Tunis ne m’aura pas…je les vois sans les voir, et leur absence est une torture…Ils rendent ma chance coupable et c’est bien ainsi, je ne me permettrais jamais les sachant dans les plis de ma conscience de dénigrer ma vie…je ne me permettrais jamais de me dire qu’"il y en a marre", que c’est laid, que je veux tout comme une enfant, leurs regards me tueraient…

L’hiver s’installe sous ma porte mais ma porte est close et le vent hurle et le vent frappe mais ne m’atteint pas…le prix du lait a beau grimper, j’en bois encore chaque matin…c’est dérisoire, c’est grandiloquent et futile mais je ne peux pas ne pas penser aux portes qui ne tiendraient pas…à ces cuisines lugubres et froides où l’on ne cuisine peut-être pas…

L’hiver s’installe sous ma porte et sous vos portes et sous leurs portes, mon hiver est juste dehors, mon hiver ne s’invite pas…

1 commentaire:

TunisiaMum a dit…

Ton message me rappelle un que j'ai écrit sur mon autre blog :
http://salwa.blog.bebevallee.com/2009/04/09/transparence-visible/

Merci de parler d'eux!

(ps : je te mets mon adresse mail avec l'envoi du commentaire, si tu veux qu'on se communique aussi par mail ou msn, j'en serai ravie!!)