dimanche, octobre 3

laisse infuser



Tout passe, croyez-moi, du haut de mes "13 fois deux" années de survivance…

Pas confrontée au froid, (exceptionnellement robe en soie sous manteau de printemps un temps de décembre).
Pas confrontée à la faim, (exceptionnellement deux tentatives ratées de régimes sans glucides protéines gras et eau compris).
Pas confrontée à la pauvreté, (exceptionnellement les dernières semaines du mois où tous les distributeurs se liguent contre ma carte)...
Pas confrontée à la guerre, (exceptionnellement derrière l’écran avec un manque de discernement pathologique de la mince frontière entre l’écran et le salon).

Confrontée au deuil, à la perte, à l’échec, confrontée au doute, à la peur, à la trahison, confrontée aux disparitions.
Rien de grave-en somme- rien qui déroute.
Confrontée à l’incertitude des matins gris, à l’exil quelquefois dans les rues de Paris.
Confrontée à l’injustice des paroles blessantes, et à la justesse de mes quatre vérités…

Aux aléas des filles, comme un amour avorté.
Aux aléas des filles comme poursuivre des chimères… la douleur quand je m’épile, la douleur quand j’étire ma fibre capillaire.

Et la douleur quand on m’abandonne à l’autre coté du trottoir sans un bonsoir, la même chose en somme…
Et tout passe pourtant, les douleurs débiles aux douleurs sans traces, aux petites meurtrissures et aux bleus des genoux, comme les messages qui résonnent sans échos, comme le vide autour, comme l’abysse, comme l’océan…
Comme tout ce qui de grandeur, devient effrayant.
On prie pour que ça s’arrête, pour qu’on aime, pour qu’on nous aime, pour que rien ne repousse, pour que rien ne s’écorche, on prie pour que ça s’abîme, que ça se répare, pour les lissages miracles, et les présages. Pour les contes de fées, et les parties de chasse, pour le haut imprimé, pour la bonne pointure, et la bonne mesure, pour que rien ne se perde, pour qu’on oublie surtout.
Confrontée à tout.

Du haut de mes "petits" 25 ans, je sais que de la petite éraflure au chagrin écrasant, il y a une dose de patience d’abstinence de volonté derrière, qu’on puise je ne sais où ni par quel miracle, on puise et puis c’est tout.
Et on laisse faire le temps, jusqu’à ce qu’on déglutisse et que ça passe finalement.

Je ne me souviens plus de mes bleus, je sais que je me suis fait mal une fois en vélo.
Je ne me souviens plus des traces, je sais seulement la place, qu’occupe un souvenir. Rien de grave, il y a pire.
Confrontée à rien dans mon cocon d’ivoire, fille de peu de foi, j’ai tellement eu de chance, d’amour, j’ai tellement eu le choix.

Je souris à ce monde, au soleil le matin, je dépasse ma mièvre inquiétude, mon mièvre souvenir, mes mièvres émois.
Je souris à ce je ne sais combien de temps, devant moi, je souris aux passants.
Je relativise mon mal, et mon bien évidemment.

Je sais que tout passera comme est passé le bonheur des fois, comme est passée la larme et le sanglot et la grimace, comme est passée la souffrance, comme est passée l’enfance.

Je sais qu’on oublie mais, et que dans les brumes survient un éclat de voix, un rire déchirant de vie, de bonheur. Dans les plus sombres abîmes on entrevoit des prairies de candeur et des promesses de possible.

Et quand on croit que rien ne viendra tarir un flot, vient le ruisseau et puis vient la plaine verte et la douce torpeur d’après les tempêtes et de l’amour là où on ne pensait pas, quand un voile d’affection te tire du mal être
Et les liens du sang que rien ne peut rompre, et les liens du cœur, tout interdit de céder quand le malheur donne du malheur, et qu’on prenne la peine de tomber pour toi pour sauver ta peau et qu’on prenne la peine de pleurer parfois pour que tu pleures juste un peu.

Du haut des sommes astronomiques de mes instants et dans le désert d’une méditation, je me retourne et observe le couloir et les portes entrouvertes et je souris nostalgique, fille ingrate, pleurnicharde, trop romantique, tout va bien, tout va bien, je me berce de la lumière et de la musique et des voix familières, tout va bien et même si quelque chose dedans casse, je sais, je sais que tout passe.