Si un jour notre démocratie
devient une façade, si on va voter pour choisir une tête entre les mille têtes d'un même monstre, si un jour, ils bâtiront leurs gloires sur les
épaules de nos libertés, si un jour, pour contrecarrer le désespoir, ils
renvoient les gens à leurs prières du soir, je vous en voudrai.
Si un jour, pour oublier le prix
du pain, on va nous sortir Israël, si pour éduquer nos enfants, il faut séparer
la fille du garçon, laver le savoir de l’art, juger démesurément, je vous en
voudrai.
Rien ne présage au meilleur.
Si un jour, je vous surprends à
baisser les bras, à vous terrer chez vous, parce que l’envie de crier s’est
tue, parce que vous avez abandonné le combat, parce qu’il est plus facile de
suivre le troupeau, je vous en voudrai.
Ne cédez pas, ne cédez jamais,
pour toutes les femmes libres et éduquées, pour les futurs enfants qui
peupleront les cours des écoles, pour nos étés festifs, notre culture du beau,
du bon, ne cédez pas.
Si un jour, nos rues deviennent
une prison de femmes, si nos livres deviennent des machines à laver, je vous en
voudrai, mais ma rancune n’a pas de poids, tous les fœtus pas encore nés vous
en voudront pour la prison que vous leur destinez.
Ma rancune n’a pas d’importance,
mais celle d’un peuple envers lui-même est une schizophrénie. Ne séparez pas le
bien du mal, ne dessinez pas en noir et blanc. N’effacez pas votre histoire, ne
reniez pas le pluriel en nous, la faute en nous, le doute est la seule voie
vers la raison. N’abandonnez pas la clémence, n’oubliez pas le pardon.
Si un jour, toutes nos femmes se
ressemblent, si un jour tous nos hommes sont des copies lobotomisées, je vous en
voudrai. Mais ma rancune est une plume, leur rancœur est un monstre, ne
distillez pas ce poison dans les rues paisibles, ne tuez pas le jasmin.
Donner le choix est humain, mais
le jugement est divin.
Et Dieu est Grand.