Allo maman…Encore, rien ne va
plus.
J’avais tort de garder mes maux
d’enfant, mais les bleus ont disparu, seules les plaies restent ouvertes, rien
n’y fait.
Maman, où est mon pays ?
Celui des gens libres, celui des gens confiants ? Où est mon pays sans le
fossé croyant/non croyant ?
Maman, quand est ce que s’est
brisée la terre sous nos pieds ? Quand s’est produite la fêlure ?
Pourquoi ne crie-t-on plus pour la liberté ?
J’avais tort de penser que
j’étais partout chez moi, il y a plus d’exil dans les regards inquisiteurs que
dans les rues de Paris, il y a plus d’exil dans le tunisien qui m’abjure que
dans l’étranger qui me nargue…Quand maman s’est produit l’accident,
l’incident ?
Depuis quand on aliène la sagesse
et on se lance des fioles de poison sous
le dôme et sous le ciel étoilé ?
Depuis quand la haine est
née ?
Partout où je vais, les gens se
lâchent la main, se toisent de haut, de bas, se toisent sans se regarder.
Partout où je vais, le cœur n’a plus de chagrin, que le fardeau de sa couleur,
le bleu de l’encre n’a toujours pas quitté nos doigts, nous serons toujours
renvoyés vers nos choix, quelque soit le moment, quelque soit l’intense, nous
ne guérirons pas.
Du temps maman où la haine d’une
dictature nous unissait, du temps où on insultait la même pieuvre, du temps où
l’ennemi avait le visage découvert et hideux, du temps du silence aigre doux…
Et maintenant, tout est voilé, le
visage, le mensonge, les ennemis non déclarés.
Du temps où le cri s’est mué en
silence…Maman tout blesse même l’absence.