jeudi, janvier 26

Mercure


Tout appelle au bonheur, l’amour et les fêtes ; les belles robes et les paillettes...Les perles en collier, en bracelet ; les beaux tapis empaquetés et la vaisselle dorée.

Et puis parfois la pensée sombre dans tout ce qui va mal, les bateaux qui coulent, la terre qui roule, les routes qu’on coupe, les chairs qu’on découpe, les barbes et les grilles, les mots et les non dits.


Nous regardons impuissants le spectacle de l’effondrement d’un château de cartes. Depuis longtemps la pomme pourrissait de l’intérieur, sans que la peau ne craquelle.
Ceux qui se prennent pour des Don Quichotte et s’inventent des moulins à vent et invectivent les palmes invisibles, et invectivent les autres, et pensent au complot comme à une rame de métro...Ce sont ceux-là mêmes qui voient l'enfer en l'autre, et traînent leurs complexe de "superio-feriorité".


Il y a des déceptions qui prennent à la gorge, étouffent le pardon et étouffent l’espoir en quelque chose de bon. Je ne remets pas l’usé à la corde, rafistolé jusqu’à la moelle, la poubelle est une déchirure de l’âme. J’y mets de ces choses ! Les anciens souvenirs quand la place manque, les gens qui ont changé, les changements malheureux, les cotons usés, les torchons abusés, et puis tout ce qui à force de s’amortir devient lourd à porter : les fardeaux quand les épaules ne portent plus. 


Je n’ai pas honte de dire que je suis une goutte de mercure, lourde et fuyante, sensible à la chaleur et au froid, alterne le haut, alterne le bas. Amnésique de l’euphorie et oublieuse de la déchéance, à la mémoire fractionnable et saturée. 


Je consomme mes parcelles, mes portions, empiète jusqu’à épuisement. Médite sur le chou, le vert, l’aigre-doux. Trouve une poésie au bêton, une laideur à la dorure. Collectionne les gaffes, les flacons et les sacs…Je bois comme d’autres lisent, lis comme d’autres boivent, m’abreuve des bêtises des romans à l’eau de rose. En continuel marchandage avec l’intellectuel, j’oublie puis me souviens, en apnée du souvenir, de l’angoisse du lendemain. Optimiste qui se soigne depuis peu, abonnée au mirage, pétrie de foi et de doute. 
Je consomme sans modération les mots, les digère mal, peu.


Je ne pense pas qu’ils aient raison, tout le monde devrait se dire que non, les choses tendent vers le chaos. Aucun mot ne transperce la gorge, aucun son ne troue les tympans. Les choses se dégradent en silence, comme un désert en minéral. Les couleurs terre habillent de nudité un cœur de nickel en fusion, ça se résume à si peu de choses...nous foulons le silicium et la prose. Nous piétinons, dégradons, abusons, jusqu'à être abusés.